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Samir Amghar "Les limites de la stratégie répressive de lutte contre le jihadisme"

Samir Amghar est sociologue au Centre de la vie politique de l’Université libre de Bruxelles

di Emanuele G. - venerdì 16 gennaio 2015 - 2215 letture

Les récents attentats viennent nous rappeler les apories de la stratégie française du « tout-sécuritaire » en matière de lutte contre le jihadisme. Initiée à partir des années 1980, cette stratégie est fondée sur le triptyque suivant : surveiller, démanteler et incarcérer.Avec le développement des filières à destination de la Syrie, l’arsenal juridique a été même renforcé pour permettre de mieux prévenir et réprimer le terrorisme avec le projet de loi porté par le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve, adopté le 17 septembre 2014, pourtant critiqué par le syndicat de magistrature et Reporters sans frontières, pour qui cette loi constitue une atteinte aux libertés publiques par des mesures dérogatoires au droit commun.Si cette politique a permis d’éviter nombres d’attentats, elle n’a pas empêché aux frères Kaouchi et Amady Coulibaly, Mohamed Merah ou encore Mehdi Nemmouche pourtant connus, fichés, voire déjà condamnés pour association de malfaiteurs terroriste de commettre les tueries de la semaine dernière. La tentation est dès lors grande de vouloir renforcer le dispositif législatif de lutte contre le jihadisme en accroissant les compétences et pouvoirs de l’appareil judiciaire et sécuritaire. Pour autant, ces politiques répressives sont celles qui présentent le plus d’effetsambiguës, voire contradictoires. En effet, la « surcriminalisation » des jihadistes peut conduire dans certains cas à leur durcissement, renforçant le sentiment de défiance et d’injustice à l’origine de leur adhésion idéologique. En ayant ainsi un effet contre-productif en renforçant l’intensité idéologique des jihadistes, ces politiques poussent à la marginalisation, et donc rendrait plus dangereux ces militants. En partie politicienne, ces mesures visent plus à rassurer la population et à satisfaire les demandes de « reconnaissance » de certains appareils d’Etat dont la plupart connaissent des restrictions budgétaires, qu’à régler les problèmes qu’elles prétendent combattre.

Certes, le répressif peut avoir un effet dissuasif comme ce fut le cas pour Farid Benyetou, le leader charismatique de la filière irakienne dont faisait partie les Kouachi ; celui-ci a en effet décidé de reprendre des études d’infirmier, après avoir passé 6 ans en prison. Mais, il n’a pas eu d’effet sur les auteurs des tueries de Charlie Hebdo et du supermarché casher, en dépit de leurs différentes mises en examen et séjours en prison. Une fois purgé leurs peines, les jihadistessont littéralement « lâchés dans la nature », alors que les institutions carcérale et de renseignements savaient pertinemment qu’ils n’ont pas abandonné leur idéologie combattante. Dans ce cadre, de nombreux pays ont décidé, depuis bien longtemps, de se lancer dans des programmes de dé-radicalisation, conscients que l’option répressive ne peut constituer la seule réponse au jihadisme. C’est ainsi que le Yémen, la Jordanie, l’Indonésie ou encore l’Arabie Saoudite ont mis en place des politiques de lutte contre la violence islamique, en incitant les jihadistes à renoncer à leurs idéologies radicales et à leurs méthodes violentes, par un travail de « rééducation ». Ryad a ainsi créé, via le programme : « Prevention, Rehabilitation and Aftercare », des centres de réinsertion pour desjihadistes repentis. Au Yémen, le Comité Yéménite pour le Dialogue fondé en 202, vise à favoriser un dialogue entre religieux et jihadistes emprisonnés afin d’amener ces derniers à réévaluer l’utilisation de l’action directe comme moyen d’opposition. En Algérie, cette politique s’est principalement exprimée par une amnistie de jihadistes en leur offrant une protection juridique contre toutes poursuites éventuelles (Concorde civile et réconciliation nationale). Au Maroc, le théoricien des attentats de Casablanca en 2003, Mohamed Fizzazi a bénéficié d’une grâce royale…il est devenu depuis un soutien de Mohammed VI. Des pays européens comme la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et le Danemark, ont été séduits par l’idée de leviers, autres que répressifs pour lutter contre leurs radicaux. La Belgique réfléchit à des dispositifs de même nature ; pour preuve, la visite en octobre 2013 de l’ancienne ministre de l’Intérieur Joëlle Micquet, en Jordanie, pays connu pour avoir mis en place des programmes de dé-radicalisation. Depuis 2013, Copenhague a créé un centre visant à proposer de l’aide aux jeunes qui reviennent de Syrie. Suivi psychologique et réinsertion sociale (études et travail) sont ainsi proposés aux bénéficiaires de ce programme. Aussi surprenant que cela puisse paraître, ces anciens jihadistes ne sont pas traités comme des terroristes, mais plus comme des « rebelles ».Cette initiative part du constat que toutes démarches aboutissant à la marginalisation des « radicaux » sont finalement les plus susceptibles de les rendre dangereux. L’objectif de ce programme n’est pas de juger moralement leurs agissements mais de les réintégrer dans le tissu social. Même si cette stratégie revêt une dimension altruiste, elle est avant tout motivée par un souci pragmatique : elle constitue la manière la plus efficace de démobiliser ces jeunes dans la durée.

Les programmes de déradicalisation qui existent dans les pays arabes et européens se fondent sur le développement d’un contre-discours en proposant des discours alternatifs aux contenus haineux des jihadistes, tout en investissant les lieux d’expression accaparés par les « radicaux ». L’enjeu de ce counter-speech réside dans le fait que ces discours doivent être assez impactants, suffisamment légitimes religieusement pour ne pas apparaître comme étant à la solde des services de sécurité occidentaux. Prenant acte que la radicalisation est également le produit d’une discrimination religieuse, aggravée par la guerre en Syrie, le conflit israélo-palestinien, etc, perçus comme des agressions occidentales, à l’encontre des populations musulmanes, ces programmes de dé-radicalisation reposent aussi sur la volonté de détricoter la perception jihadiste d’une haine viscérale de l’Occident contre l’islam. Souvent, ces programmes s’appuient sur des fatwas de jihadistes repentis. C’est ainsi que sur les positions publiques de l’ex-émir et principal idéologue d’al-Qaïda, Sayyid Imam al-Sharif, la deuxième plus grande organisation jihadiste en Egypte, al-Jihad a de façon unilatérale de déposer les armes en 2007.

Si les autorités de ces pays se targuent d’un taux de réussite élevé, leurs programmes ont été pourtant écornés quand certains participants renouent avec l’action directe à l’instar du Saoudien Sayyid al-Shehri qui est devenu le numéro deux d’Al-Qaïda au Yémen, après avoir fait l’objet d’un programme de réinsertion. Même si ces programmes ne peuvent constituer des solutions miracles contre le jihadisme, ils peuvent être un complément au volet sécuritaire.


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